Compte-rendu Intergroupe vin 25/03/2009
Mélanger du vin rouge et du vin blanc pour produire du vin rosé? Faut-il autoriser cette pratique du coupage en Europe?
Mme Astrid LULLING, Présidente de l’intergroupe Vin (PPE-DE, Luxembourg)
Afin d’introduire la session, la Présidente rappelle que la Commission était dans son droit en soumettant cette proposition et que les Etats membres ont voté à la majorité qualifié dans le cadre du comité de gestion de l’OCM vin la proposition concernant les pratiques œnologiques et l’étiquetage. Cette situation de fait découle donc du transfert de compétences qui a eu lieu lors de la réforme de l’OCM des Etats membres à la Commission.
Il faut donc ouvrir la discussion en partant des faits tels qu’ils sont posés pour répondre aux préoccupations immédiates du secteur.
M. Johan KNOPPERS, Coordinateur des relations avec le PE, DG AGRI, Commission européenne
M. Knoppers remercie l'Intergroupe qui permet à la Commission d'éclaircir ce sujet. La Commissaire Fisher Boël a par ailleurs rencontré les parties prenantes du secteur hier afin de clarifier la situation.
Il est important de rappeler que l'objectif de la réforme de l'OCM Vin était de s'aligner sur les pratiques œnologiques autorisées par l'OIV afin de permettre aux producteurs européens d'être plus compétitifs.
La Commission comprend que certains producteurs de vins français soient particulièrement touchés par cette décision, d'autant plus que les vins rosés ont fait ces dernières années de nombreux efforts pour améliorer la qualité de leur produit.
Les discussions sur cette question ont débuté à l'automne 2008. Depuis, les discussions ont eu lieu avec les Etats membres lors de plusieurs comités de gestion. Le vote indicatif sur la proposition de coupage des vins rosés a eu lieu en Janvier et a récolté une large majorité. Vu la situation des vins rosés traditionnels, une solution a été proposée via un étiquetage spécifique. Ces deux propositions sont à ce stade à l'OMC pour notification.
En ce qui concerne l'étiquetage deux mentions sont proposées : « rosé traditionnel » ou « rosé de mélange ». Les Etats membres pourront décider de rendre ces mentions obligatoires afin que la méthode de fabrication traditionnelle soit valorisée.
Mme Astrid LULLING, Présidente de l’Intergroupe (PPE-DE, Luxembourg)
Il est important de décrire objectivement la situation pour que tout le monde sache ce qui est encore possible ou non. Le péché mortel vient de la réforme de l’OCM ou les ministres ont abandonné leur pouvoir à un « comité de gestion » piloté par la Commission.
M. Alain BACCINO, Président de la Chambre d'Agriculture du Var
La proposition émanant du comité de gestion est totalement abasourdissante. Aucune des solutions suggérées en matière d’étiquetage n’est acceptable. Durant la révision de l’OCM, de nombreux débats sur les questions d’arrachage et de découplage ont eu lieu mais les pratiques œnologiques ont été passées sous silence et apparaissent au dernier moment.
Il est inconcevable que l’UE puisse prendre des mesures comme celles-là sans prendre en compte les régions productrices (France, Grèce, Hongrie et Luxembourg notamment) qui font des efforts depuis 30 ans et qui ont gagné la reconnaissance des consommateurs. Tous ces efforts vont être réduits à néant et le consommateur sera leurré.
Le marché du rosé est en progression mais il est fragile parce que s’il reste du stock en fin d’année le marché s’écroule. La perspective d’ajouter des produits issus des surplus de blancs et de rouges est catastrophique.
N’y aurait-il pas moyen de conduire une réflexion à long terme pour éviter la tromperie des consommateurs et l’effondrement du marché ?
M. Sylvain NAULAIN, Policy Officer, CEEV
Il est important de remettre en perspective la pratique du coupage des vins en Europe qui est autorisée sous certaines conditions depuis des années. En outre, cette pratique est autorisée par l’OIV depuis 1985 (avec l’accord de la France) avec pour but d’adapter le produit au marché.
Dans ce débat, deux éléments sont à distinguer :
- les méthodes de production des vins rosés sont des processus très particulier qu’il faut préserver car il en résulte des produits d’une qualité indéniable.
- les pratiques œnologiques autorisées par l’OIV reprennent ce procédé de coupage donc, de fait, les rosés de coupage peuvent déjà circuler librement en Europe et existent déjà sur nos marchés. De plus, on constate que dans les pays ou les produits de coupage sont commercialisés (tel que le Royaume-Uni), ils ont un grand succès commercial et cela peut être une opportunité à saisir pour les producteurs.
Il y a un véritable intérêt à disposer d’un outil technique d’ajustement du produit à la demande. La pratique du mélange entre les vins blancs et rouges est intéressante également dans la production d’autres produits tels que certains vins rouges.
La proposition de la Commission permet de renforcer la compétitivité du secteur vis-à-vis des pays tiers et préserve la qualité des produits traditionnels via un étiquetage différencié.
M. Jean Pierre AUDY (PPE-DE/FR)
Il ne faut pas aborder cette affaire sous l’angle juridique ou procédural. C’est un travail d’urgence sans étude d’impact et qui est effroyable pour l'image de l’UE vis-à-vis des citoyens. Il est urgent d’attendre et reporter cette question après les élections.
Mme Françoise GROSSETETE (PPE-DE/FR)
Encore une fois, nous sommes confrontés à des décisions prises sans laisser le peuple et les élus décider. Il est grand temps que le Traité de Lisbonne entre en vigueur pour renforcer le pouvoir du Parlement Européen dans le processus de décision, notamment en ce qui concerne les comités de gestion. Les solutions de logo ou d'étiquetage proposées ne sont pas efficaces étant donné que leur mise en œuvre de façon homogène au niveau européen n'est jamais garantie.
Une fois de plus, l’Europe propose le nivellement par le bas.
Mme Anne LAPERROUZE (ADLE/FR)
Ce problème est très sensible car il touche à la question du vin et de la culture. Il serait intéressant de savoir d’où vient le changement, ce n'est manifestement pas une demande des viticulteurs.
Mme Dominique VLASTO (PPE-DE/FR)
L’étiquetage proposé devrait être "vin rosé" pour les produits traditionnels et « vin rosé coupé » pour les autres produits. La différence doit être très claire pour le consommateur.
Mme Christa KLASS (PPE-DE/DE)
On touche vraiment à une question très sensible. Les représentants du Conseil ont pris la décision en toute connaissance de cause. Il aurait été positif que le Parlement soit impliqué dans cette décision. C’est lamentable que le Parlement soit contourné de cette façon.
Ce qu’il faut c’est qu’il y ait une possibilité d’exception à l’échelon régional. Il ne faut pas toujours tout mesurer à l'échelle européenne ou même mondiale.
Mme Esther de LANGE (PPE-DE/NL)
Cette discussion va au delà des vins rosés. Il existe des cultures et des traditions spécifiques à l’UE mais dans un même temps on souhaite pouvoir être compétitif à l’échelon mondial. Dès lors la solution de l’étiquetage semble la mieux appropriée mais elle doit être appliquée dans toute l’UE pour être sûr que les consommateurs sachent ce qu’ils achètent.
M. Jean Claude MARTINEZ (NI/FR)
Ces réformes s'inscrivent dans les perspectives très larges des négociations commerciales de l’OMC. Malheureusement le secteur vitivinicole est trop petit pour être pris en compte au niveau du commerce mondial et c'est regrettable.
Mme Nathalie GRIESBECK (ADLE/FR)
il ne faut pas baisser les bras face à cette situation de fait. La Commission prône une politique de qualité et cette proposition va tout à fait à contre courant.
Mme Astrid LULLING, Présidente de l'Intergroupe (PPE-DE, Luxembourg)
Il faut réagir rapidement à ces questions. C'est pourquoi le PPE-DE propose de faire une question orale adressée à la Commission afin d'avoir un débat lors de la prochaine séance plénière au mois d'avril. Tout le monde partage les mêmes inquiétudes mais il faut essayer d’arriver à des propositions ou des solutions pour modérer l'impact de cette décision.
M. Hubert FALCO, Secrétaire d’Etat français à l’aménagement du territoire
Les vignerons ont fait depuis de très longues années des efforts qualitatifs pour faire de leur vin un produit reconnu et de qualité. La création d’un centre européen des vins rosés en est une preuve irréfutable, ce produit a gagné ses lettres de noblesses. Cette qualité qui fait la fierté des professionnels est mise en grand danger par cette nouvelle proposition de la Commission. L'inquiétude est très profonde pour les viticulteurs car l'économie viticole dans le sud de la France est un grand levier de développement économique, elle crée des emplois et représente un élément structurant de l’aménagement du territoire.
Il est important de clarifier la situation et d’être efficace dans nos actions. Il sera difficile de se battre sur le principe de la levée de l’interdiction de coupage. Mais on peut infléchir la Commission sur l’appellation "Rosé". Seul le rosé traditionnel doit avoir droit à l’appellation « rosé ». Il faut également se battre sur les propositions d'étiquetage. Il faut respecter la transparence pour le consommateur européen qui doit savoir clairement ce qu’il consomme.
M. Jean-Marie BEAUPUY (ADLE/FR)
Il est très important de souligner le rôle du consommateur. Car sans consommateur, il ne peut y avoir de producteur. Bien que cette décision soit regrettable, s’il y a des débouchés pour ces nouveaux produits, pourquoi ne faudrait-il pas conquérir ces nouveaux marchés.
M. Gilles SAVARY (PSE/FR)
Il ne faut pas jouer les faux effarouchés. Ce genre de proposition vient forcément d’une partie des professionnels du secteur. Le tout est de savoir qui est derrière cette proposition.
Il est malheureux de constater que quand les Allemands ne sont pas en faveur d’une proposition, le texte est retiré par la Commission. Les parlementaires français devraient demander le retrait de la proposition.
M. Johan KNOPPERS, Coordinateur des relations avec le PE, DG AGRI, Commission européenne
Deux décisions ont été prises sur ce dossier. La première, en janvier, concerne les pratiques œnologiques. La seconde, entérinée le 24 mars, porte sur l’étiquetage. Il est possible de retravailler le phrasé de l'étiquetage envisagé et, dans cette perspective, les discussions de l’Intergroupe seront prises en compte.
Mme Dominique VLASTO (PPE-DE/FR)
Le comité de gestion de l'OCM Vin devrait voter sur cette proposition le 27 avril, après la notification de la proposition à l’OMC. Mme Fisher Boël, Commissaire à l'agriculture, semble favorable au report de ce vote en comité de gestion à une date ultérieure.
M. Thierry CORONA, Président de l'Association des Sommeliers d'Europe
Pour un sommelier la notion de coupage est une hérésie. Il propose un étiquetage reprenant le terme « simili rosé » pour les produits issus de procédés de coupage.